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L’arme au pied nous allons disparaître

19/06/2011
« Une société, en droit, c’est une personne morale. J’aime bien cette formule parce qu’elle rappelle que toute société, la nôtre par exemple, le monde occidental qui est dominant depuis cinq siècles, est comme une personne et que donc elle vieillit, et qu’elle sera remplacée un jour par une autre. » C’est ainsi que s’exprime l’un des personnages du dernier roman de Francis Dannemark « Du train où vont les choses à la fin d’un long hiver. » Même sortie de son contexte littéraire, cette phrase est d’une limpide évidence, du moins au premier degré. Nous avons terriblement vieilli en très peu de temps, disons 20 ans, et cela ne ressemble même pas à une crise existentialiste – et surtout pas de croissance ! -, c’est comme si nous étions arrivés au bout du rouleau à force de nous faire corriger jour après jour par ces minorités dominantes et autoritaires. Minorités qui ont pris le pouvoir grâce aux médias, séide de ce « Tout Puissant Moralisateur ».

L’arme au pied

Nous n’avons plus envie de nous battre, pour nous et pour ce que notre société dite occidentale, et particulièrement européenne, représente : des institutions stables, la démocratie, la justice, les arts, l’architecture, la science et la médecine, les grandes inventions, l’industrialisation, et, bien que certains en doutent encore, le partage des richesses. Nous avons tout inventé, tout perfectionné, cela nous a parfois demandé des siècles. Mais au tournant du millénaire nouveau une Grande Peur s’est emparée de nous, à l’instar de celle de l’An Mille qui elle tenait ses fondements du noyau dur de la croyance. Une peur panique de tout ce qui nous entoure nous envahit : chaleur, soleil, pluie, énergie nucléaire, énergie fossile, automobile, pouvoir, pédophiles, laboratoires pharmaceutiques, télévision, bourse, capitalisme, argent, travail, maladie…nous voici condamnés par avance, surveillés, manipulés, exploités, empoisonnés, nous serions dirigés par des dictateurs, du coup notre confiance se reporte sur ces fameux « collectifs » qui, souvent, sont les pires manipulateurs, exerçant des pouvoirs illégitimes à l’instar de ces minorités qui décrètent que la raison est de leur côté, rejetant toute idée ne venant pas de leur bord. Et cela nous arrange semble-t-il, car ce système permet aux refoulés de trouver là quelques bribes de pouvoir, de quoi assouvir des besoins de reconnaissance bien supérieure à leur quota naturel.

Mais cela nous arrange également car nous sommes devenus lâches et bêtes, lâches par rapport à nos responsabilités, et bêtes puisque nous allons éviter de faire des efforts pour réfléchir. On appellera ça une « déresponsabilisation subliminale », l’un des derniers stades avant l’ablation du cerveau.

 

Allons nous faire voir chez les Grecs !

Déresponsabilisation car c’est désormais évident, ce n’est jamais de notre faute. On l’a vu avec nos voisins Grecs qui dépensent sans compter depuis vingt ans, fraudent quotidiennement pour ne pas payer d‘impôts, se la coulent douce au boulot, partent encore plus tôt que nous à la retraite, et descendent dans la rue pour tout casser quand on leur présente la note.

Mais n’allons pas nous faire voir chez les Grecs pour autant, nous avons la même chose à la maison. Depuis les années 80, nous avons embauché des fonctionnaires par millions, et nous avons exigé le « pack luxe » de série, rien n’était trop beau : retraite plus tôt quand on vit plus vieux, 35 heures avec 7 à 8 semaines de congés via RTT, des transports gratuits, des chèques-vacances, des chèques pour tout, déjeuner, culture, transports, et des brassées d’allocations, à tel point que de véritables nouveaux métiers sont apparus comme celui de « mère isolée »… souvent pas si isolée que ça… Un « pack luxe » qu’il faut bien payer et qui porte un nom : déficit public. Mais attention, on l’a dit, ce n’est pas de notre faute, c’est forcément le gouvernement ou le maire qui ne sait pas gérer. Pourtant, chacun peut comprendre qu’accroître indéfiniment l’action sociale c’est aussi mettre gravement en péril la production, ce qui impliquera donc un rendement social décroissant. Et l’on fera progresser le chômage tout en prétendant en réduire les effets par cette même intervention sociale. Nœud gordien ou chat se mordant la queue ?

« Il faut réduire la dette » nous dit Didier Migaud le Président de la Cour des Comptes, et ex-député PS de l’Isère. Bien sûr, il a raison, mais il ne sera pas entendu, le gouvernement actuel ne le peut pas, et ses amis socialistes ne le veulent pas (ou l’inverse, c’est pareil). Et les Français ? Ils s’en foutent, ils veulent faire fonctionnaire « pour attendre sans s’en faire que l’heure de la retraite sonne » pour reprendre les beaux mots de Jean Ferrat dans sa « montagne ». On peut toujours rappeler que nous dépensons quasiment autant que nos voisins allemands (un peu plus de mille milliards) pour notre secteur public, alors qu’ils sont vingt millions de plus au compteur, rappelons-le mais là encore c’est l’indifférence, l’ignorance ou la manif pour toute réponse. « L’opinion chez un peuple est toujours déterminée par un intérêt dominant » disait Suard. Cet « intérêt dominant » aujourd’hui n’est plus dans un combat collectif pour enrichir la Nation et assurer le bien-être des générations futures, mais il est l’application du chacun pour soi.

 

Quand avons-nous arrêté d’avancer ?

Je situerais le point de non-retour à l’accident du Concorde le 25 juillet 2000 à Gonesse. Un avion s’écrasait ailleurs qu’en pleine mer, là où ça se voit, on a donc retiré l’avion. Le Titanic aurait coulé en juillet 2000, on mettait illico en cale sèche tous les paquebots et chalutiers. Et tout suivra très vite désormais, l’accident à la centrale de Fukushima en est l’exemple parfait. Deux jours après, tous les Européens se posaient la question de la sortie urgentissime du nucléaire, les plus pétochards battaient le pavé : ils étaient 20.000 à Berlin, Milan ou Paris, plus d’hésitation, ils parlaient au nom de centaines de millions d’Européens, on devait stopper immédiatement toutes les centrales. Quel changement par rapport à Tchernobyl en 1986 ! Nous ne croyons plus en l’intelligence de l’homme, nous n’avons plus envie de nous dépasser, de prendre des risques, d’oser, comme si l’inéluctable était inscrit dans le marbre : nous sommes très malheureux et nous allons mourir. Quelle horreur ! 

Au bout du compte, que devenons-nous ? On ne se passionne plus pour des savants, des aventuriers, des inventeurs, des écrivains, des poètes, mais pour des types qui tapent dans un ballon ou qui miaulent des airs même pas écrits, mais ils ont le look. A douze ans, nombre de gamines sont déjà fringuées comme des bimbos, certaines seront enceintes à seize ou dix-sept ans pour en vivre (nouveau métier !), quant aux gamins, à douze ans ils se font raser le crâne pour ressembler aux « modèles » évoqués plus avant ou à ces petits gangsters en herbe qui poussent dans des cités qui ne sont déjà plus la République, mais que de bonnes âmes appellent des ghettos, ghettos qui pourtant hébergent des populations mélangées reliées à la ville dans sa globalité par l’urbanisme, l’emploi ou l’Etat-providence.

Qui pourrait encore croire que nous descendons de Bach, Chateaubriand, Voltaire, Mozart, Diderot, Balzac, Pasteur, Einstein, Vinci, ou encore de cette époque que l’on appelait le Siècle des Lumières. Le dernier a du éteindre en sortant ! 

 

Qui sont les responsables ?

Le confort en premier. Incontestablement, l’immense progrès en matière de pouvoir d’achat nous a tourné la tête, comme si tout s’était emballé sans contrôle. En trente ans nous avons obtenu dix fois plus qu’en deux siècles. Et nous ne voulons plus nous arrêter en route, faire une pause, réfléchir à quelques données élémentaires, d’où venons-nous, que possédaient nos parents, nos grands-parents, comment peut-on encore progresser avec nos moyens, rien que nos moyens ? Non ! Tout, nous exigeons tout et quel que soit le revenu, le travail, le milieu social, nous voulons le partage à parts égales pensant encore que couper la tête des riches nous rendra aussi riches qu’eux. Et même quand les caisses sont vides et que tout le monde est au courant, et bien ce même « tout le monde » descend dans la rue pour réclamer son dû. En cela nous sommes égoïstes avec un cerveau réglé sur le ventre, qu’importe si notre société coulera bientôt d’autant de stupidité chronique et collective. 

« Les sociétés qui ne se défendent pas ne survivent pas, et d’ailleurs ne méritent pas de survivre » dit un jour Georges Pompidou. Qui c’est celui-là ? On ne se défend plus face à ceux qui nous prendront tout, ils sont Chinois, Indiens, Brésiliens peut-être, ils nous prendront ce que nous ne pouvons plus entretenir, et donc garder, nous abandonnons nos convictions, nos croyances, nos traditions, notre histoire sous le fallacieux prétexte d’humanisme forcené et sous le joug des accusateurs patentés : le mal est identifié et défini de manière limpide et incontestable, il vous faudra peut-être vous défaire de ce que vous aimez, de ce que vous êtes, de toute façon vous ne comptez pas puisque vous représentez un vieux pays, une vieille culture, un monde obsolète face à la marche en avant de la médiocrité, de la brutalité et de cette nouvelle forme de barbarisme qui suinte de partout.

L’Empire romain s’est écroulé très vite car à bout de souffle, à bout de conquêtes, de beau et d’innovations, il faudra passer des siècles dans l’obscurité avant de revoir la prospérité chez nous, celle des cathédrales.

Serions-nous à bout de souffle à notre tour, au bout du chemin, là où tout le monde se sépare pour partir chacun de son côté, fin de société ? Le risque zéro, le tout-Etat et ce besoin effréné de loisirs et de vacances nous feront disparaître. Un jour proche, ce sont nos enfants qui iront laver les chiottes et servir la soupe au nadir, chez ces Chinois et autres émergents qu’on se refuse à affronter avec nos armes d’occidentaux, nos armes traditionnelles et ancestrales, celles du génie, de l’intelligence, du courage et de la foi en ce que nous faisons, en notre société, ces armes que nous avons mises au pied depuis que le « Tout Puissant Moralisateur » nous a expliqué et répété sans relâche tout le mal que nous avons fait durant des siècles sur toute la planète. Voici donc le prix à payer, celui du repentir : disparaître ! 

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