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2.400 heures chrono… ou les Cent Jours

20/08/2012
Contrairement à ceux de Napoléon qui, de mars à juillet 1815, furent fort actifs mais synonymes de fin de règne, sous notre République cinquième du nom, les Cent Jours sont habituellement frappés du changement, même symbolique, d’innovations heureuses ou malheureuses, c’est la période d’entrée en matière d’une nouvelle orientation politique qui annonce la rupture avec ce qu’on appellera alors « l’ancien régime ».
La plus significative ou flagrante version de ces fameux Cent Jours fut celle que l’on a connue avec le premier mandat de François Mitterrand qui, très habilement, sut s’entourer de cette aura protectrice qui devrait profiter à tout nouveau locataire de l’Elysée.

 

 

L’autre politique

En 1981, la France sortait de vingt-trois années de gouvernements de droite, pour la première fois depuis 1958 la gauche entrait à l’Elysée et, dans la foulée, s’emparait de la majorité à l’Assemblée Nationale. On allait donc voir ce qu’on allait voir, les commentateurs les plus zélés évoquaient alors ce « vent de liberté » qui soufflait sur la France, on en aurait conclu que de Gaulle, Pompidou et Giscard d’Estaing n’étaient que les coreligionnaires de Franco ou Pinochet. 

Cent Jours suffirent à François Mitterrand pour engager le pays dans une aventure qui coûtera très cher aux Français : dévaluations successives de la monnaie, nationalisations hasardeuses et ruineuses pour le budget, semaine de congés supplémentaire, embauches massives de fonctionnaires (que l’on paiera pendant 50 ou 60 ans pensions comprises), carnet de change qui limitait les déplacements hors frontières… à vouloir trop en faire et trop vite, le gouvernement ne put plus faire grand-chose ! Mais ces Cent Jours de Mitterrand furent au diapason de son programme, même si tout ne fut pas engagé durant cette période de mise à l’épreuve.

Les Cent Jours de Chirac n’auront pas laissé un souvenir inoubliable, les pas de tango vis-à-vis des réformes aboutirent aux grandes grèves de l’automne 1995 qui furent fatales à la majorité de droite quelques mois plus tard. La leçon était enregistrée, on ne l’y reprendrait plus !

Quant aux Cent Jours de Sarkozy, ce sont les médias qui s’en sont chargés, à peine arrivait-il aux affaires qu’il devenait leur bête noire. En cent jours, et ce malgré l’arrivée de la crise, la presse a « tué » le nouveau Président. Désormais, tout ce qu’il ferait serait néfaste pour le pays, celui-là n’était pas leur candidat.

Mais François Hollande allait remettre de l’ordre très vite, enfin la France serait gouvernée « normalement » par un homme « normal » (ce qui sous-entend que le précédent ne l’était pas).

Cent jours ou 2.400 heures chrono pour prouver que le changement c’est maintenant. Et qu’a-t-on changé en cent jours, à part la majorité à l’Assemblée, quel souffle puissant a entraîné le peuple vers l’audace, vers l’envie de réussir ? Pas même une petite brise, à tel point que ce Président Normal se retrouve, au terme de ses Cent Jours, dix points de bonnes opinions en dessous de Sarkozy à la même époque. C’est le souffle du désenchantement qui nous pique les yeux.

 

 

De notre faute

Mais qu’espérions-nous franchement ? A force d’entendre dans les médias que la France était au bout du rouleau, que les chômeurs n’étaient pas trois millions mais six millions (pourquoi pas quatorze ?), que les gens mouraient de faim et couchaient dans la rue et que tous ces malheurs étaient dus à un seul homme, Nicolas Sarkozy, les Français (du moins un sur deux) ont pensé qu’à partir du 7 mai le bonheur allait irradier nos terres fertiles : le changement c’était pour maintenant !

Et on l’a eu ce changement : + 1,4% pour le SMIC (« la seule hausse en cinq ans » dira même sans rire l’incomparable Moscovici !), l’annonce du mariage des homosexuels, une nouvelle loi sur le harcèlement, une commission sur la moralisation de la vie publique, le retour de la retraite à 60 ans… pour quelques milliers de salariés seulement, une prime de 7.000 € pour la voiture propre pour quelques dizaines d’acheteurs, et mille profs de plus, sans oublier l’augmentation de l’allocation rentrée. 

Pendant ce temps les licenciements ont été annoncés par milliers, malgré les Commissaires au Redressement de Montebourg, l’essence a pris un centime tous les trois jours pendant les vacances, les hausses d’impôts se généralisent et les heures supplémentaires ne sont plus défiscalisées (une mesure anti-riches !). Et nous n’oublierons pas le nucléaire dont on ne parle plus et la voix de la France devenue totalement inaudible sur le plan international, et notamment en Syrie, depuis quelques mois. Oui, nous avons entendu monsieur Fabius dire dans un camp de réfugiés « c’est terrible », « on va faire quelque chose », bref, on s’en occuperait bien mais on ne sait pas trop comment faire…

 

« Cent jours pour presque rien »

La phrase ne vient pas de l’opposition, c’est Jean-Luc Mélenchon qui l’a prononcée dans le Journal du Dimanche (19 août). On savait que le taulier du Front de Gauche n’allait pas tarder à critiquer, mais à ce point ça promet de belles éruptions cutanées, de mauvaises rougeurs. Il est vrai qu’un an de primaires socialistes et de campagne électorale pour en arriver là, cela ressemble à une nécessité d’avoir le pouvoir et rien d’autre. Pour cette génération, celle de Hollande et de ses principaux ministres, il s’agissait de la dernière occasion, seulement cette crise tant niée pendant la campagne vient de les rattraper en plein vol, elle va leur démontrer que le socialisme généreux et distributeur de richesses subliminales n’a plus sa place au sein d’une Europe désormais comptable et vigilante avec l’argent du ménage.

Le Parti Socialiste a bourré le mou aux électeurs, il leur a vendu le clone d’un programme mitterrandien trente ans après sous la bannière de la « normalité », mais cette normalité tant admirée par des médias parfois un tantinet collabos risque fort de devenir une banalité pour un président banal. Il ne faut donc pas s’étonner du coup de chaud de Mélenchon, même si le bonhomme a parlé un jour de canicule. 

La France de gauche attendait Blum, elle a eu Auriol, elle espérait un idéalisme flamboyant, elle a gagné un chef de bureau carriériste. Il faudra faire avec.

 

J. Nimaud

 
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