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L’automobile en panne ?

05/12/2012
A force de répéter à longueur de journée que ça va mal, ça finit par aller mal. Les Français auraient-ils le moral dans les chaussettes depuis qu’ils ont porté à leur tête un type normal ? On va finir par le croire. Et ce n’est pas la courbe du chômage qui nous contredira, une courbe qui ressemble davantage à une flèche pointée vers les sommets. De plans sociaux en annonces de restructurations, notre industrie affiche de grosses baisses de tension et le secteur de l’automobile est aujourd’hui particulièrement touché. En fait, les ventes n’ont jamais été aussi mauvaises depuis quinze ans, c’est dire !

 

 

Quelques chiffres

On a tous en mémoire les déboires de PSA et les envolées lyriques et colériques de monsieur Montebourg de la fin de l’été, le ton était donné, et les marques Peugeot et Citroën n’étaient pas les seules concernées car il y a aussi le feu à la maison Renault. Les résultats des ventes du mois de novembre confirment la règle en vigueur depuis des mois chez nous, PSA est à - 22,9%, Renault à – 33%, et même le low cost Dacia dégringole de 40%... le tout sur un marché global en recul de – 19,2% sur un mois et une prévision de – 14% pour l’ensemble de l’année 2012, soit environ 1,9 million de voitures immatriculées. On est loin des 2,2 millions de référence.

Pourtant, tout le monde n’a pas choisi le menu avec soupe à la grimace, il y a des marques qui progressent encore, comme Mercedes à + 13,8% (mais après il est vrai une période de vaches maigres), Toyota + 4,6%, Audi + 1%, et surtout Hyundai avec + 20,5%, encore un truc qui va énerver Montebourg ! Même le Groupe Volkswagen limite les dégâts avec – 2,5% sur un marché en chute de près de 20% rappelons-le.

Soulignons que dans le même temps, les marchés italiens et espagnols perdent 20%, alors que le marché allemand n’abandonne que 3,3% (et seulement 1,7% depuis le début de l’année, contre – 14% en France).

Pour trouver de l’excellence il faudra traverser l’Atlantique où le marché nord américain est en pleine forme actuellement, les ventes n’ont jamais été aussi dynamiques depuis février 2008. Ils reviennent de loin il est vrai.

 

 

La note des erreurs ?

Il y a bien sûr plusieurs raisons à cet écroulement du marché automobile français.

D’abord la crise, elle est toujours dans nos têtes même si concrètement les salaires et les pensions n’ont pas baissé (comme dans certains pays européens), et le chômage, bien qu’à 10%, n’a lui pas atteint des scores historiques. Mais la crise dirige l’argent des Français vers l’épargne, l’épargne stable et tranquille, les quelque 20 milliards déposés chez l’ami Ecureuil en octobre en témoignent. Autant d’argent que l’on ne « placera » pas dans une berline ou un SUV… même une auto low cost moche et pas chère. 

Ensuite il faut bien admettre qu’un phénomène nouveau est intervenu ces dernières années : l’argent disponible pour l’achat d’une auto est désormais réorienté avant tout vers la téléphonie et la communication. N’oublions pas qu’il y a dix ans, les ménages ne dépensaient pas ces 200 ou 300 euros mensuels pour le téléphone, internet et les chaînes payantes. Ce transfert coûte aujourd’hui très cher à la filière auto et aux concessionnaires.

Enfin, et là nous sommes sur le long terme, les constructeurs nationaux ont sans doute commis une erreur fondamentale en se repliant sur le marché européen à chaque coup dur (et actuellement il va très très mal, surtout au Sud), et en misant  sur des autos bas de gamme dont la plus-value ne permet pas au réseau de vivre aisément. L’Etat est aussi responsable, car avec les primes à la casse et ce fameux bonus/malus, tout a été mis en place pour tirer les ventes vers le bas de gamme. 

De plus, lorsque qu’un généraliste fabrique 3,2 millions de voitures par an, ce qui est le cas de PSA et 2,4 millions pour Renault, il paie beaucoup plus cher ses composants qu’un groupe comme Volkswagen qui produit plus du double chaque année (7,1 millions en 2011). Et lorsque ce même groupe VW peut se targuer d’engranger quelque 15 milliards de bénéfices sur une année, on comprend que cette politique de « modules » paie cash : quatre généralistes (VW, Audi, Skoda et Seat) se partagent dans un même groupe les plateformes, les moteurs, et une quantité importante de composants. Ajoutez une politique d’implantation et de commercialisation sur toute la planète, plus un catalogue allant du 3 cylindres au très haut de gamme, notamment avec la marque Audi, et vous aurez les clés du succès.

 

Inventer, fabriquer, vendre

C’est le triptyque incontournable en la matière, et il n’est pas l’exclusivité du secteur automobile, mais c’est malheureusement aussi notre point faible aujourd’hui.

En 2010, l’Allemagne a fabriqué 5,9 millions de véhicules sur son sol (voitures particulières + véhicules utilitaires légers), alors que seulement 2,2 millions furent produits en France, un score inférieur à celui de l’Espagne qui a fabriqué presque 2,4 millions de véhicules (sources CCFA)

Etrange ? Même pas, on sait que les constructeurs français, et principalement Renault, ont délocalisé une grande partie de leur production, Renault en Slovénie, Roumanie, Russie, Espagne, Turquie, Iran, Maroc… et PSA en Slovaquie, en République Tchèque, en Russie, en Espagne… car c’est en délocalisant que nos constructeurs arrivent à gagner de quoi faire tourner la boutique (et pas toujours) eu égard au choix arrêté il y a quelques années, à savoir proposer de petites autos et du bas de gamme, là où les marges sont les plus serrées.

Bien sûr, il y a heureusement de bonnes nouvelles, et la série DS de Citroën en est une, ces autos plaisent, ces autos ont le potentiel à l’export et elles rapportent de la plus-value. Mais il faudra du temps pour que l’image de l’automobile française change dans le monde, notamment auprès des nouvelles clientèles émergentes du bout du monde. Il faudra inventer des lignes d’excellence, des autos « aguichantes », luxueuses et innovantes, il faudra les fabriquer, de préférence en France, et bien sûr, et ce sera le plus difficile, il faudra les vendre en Europe, mais aussi en Chine, au Brésil, en Russie, là où se trouve le cash. Vulgairement on appelle ça le commerce, un concept qui semble parfois nous être totalement étranger !

Faute de quoi, alors nous devrons nous faire à l’idée qu’il y a peut-être un généraliste de trop dans notre pays…

 

Jean-Yves Curtaud

 
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