Imaginez-vous voguer sur un bateau fait en fibre de jute, alimenté par des panneaux solaires, équipé d’une station d’épuration low-tech et d’un potager embarqué… Non, ce n’est pas un rêve de Robinson moderne, mais bel et bien l’œuvre de Corentin de Chatelperron, ingénieur-navigateur, pionnier du low-tech et acteur engagé de la mobilité durable. Dans un monde où les giga-usines et les batteries au lithium font la une, Corentin nous rappelle que sobriété, ingéniosité et autonomie peuvent aussi repousser les limites de l’aventure humaine.
Corentin de Chatelperron : une odyssée au service de la planète
Né en Bretagne, formé en ingénierie et en construction navale, Corentin de Chatelperron n’a pas choisi la voie classique d’une carrière dans l’industrie lourde. C’est au Bangladesh, au sein d’un chantier naval, qu’il tombe le nez dans la fibre de jute, un matériau local, biodégradable et très prometteur. Il se pose alors une question simple : pourquoi importer de la fibre de verre quand on a sous la main une ressource naturelle qui attend d’être exploitée ?
Cette question donnera naissance à son premier grand projet emblématique : le bateau Tara Tari, moitié jute, moitié fibre de verre. Un prototype qui deviendra le point de départ d’une approche unique de la mobilité : une mobilité basée non plus sur la haute technologie, mais sur la low-tech – celle qui fait plus avec moins.
Le Nomade des Mers : le low-tech en haute mer
Après Tara Tari, Corentin n’a pas levé l’ancre. Il a au contraire hissé la grand-voile d’un nouveau projet encore plus ambitieux : le Nomade des Mers. Le principe ? Un catamaran transformé en véritable laboratoire flottant de la low-tech, avec comme mission de parcourir le monde à la découverte d’innovations sobres, efficaces et accessibles à tous.
À bord, on retrouve :
- Une ferme aquaponique combinant élevage de poissons et culture de légumes.
- Des toilettes sèches et un biodigesteur pour valoriser les déchets organiques.
- Des panneaux solaires et des éoliennes en bambou.
- Une douche à recyclage d’eau manuelle.
- Un dessalinisateur low-tech fonctionnant à l’énergie solaire.
Si ces dispositifs font sourire au premier abord, leur efficacité surprend en mer. Et surtout, ils interrogent : doit-on forcément dépendre de technologies complexes pour se déplacer proprement et efficacement ?
Mobilité durable : ce que Corentin apporte de neuf
Alors que les débats font rage sur l’empreinte carbone des véhicules électriques, sur la rareté des matériaux critiques ou encore sur la durée de vie des batteries, Corentin de Chatelperron prend tout le monde à contre-pied. Il ne prône pas la décroissance par rejet de la technologie moderne, mais cherche à recentrer l’innovation sur les besoins réels et les ressources locales. Son approche de la mobilité durable repose sur trois piliers fondamentaux :
- L’autonomie locale : Construire des véhicules (bateaux en l’occurrence) à partir de matériaux disponibles localement, comme la fibre de jute ou le bambou.
- La sobriété énergétique : Réduire au maximum la consommation grâce à des systèmes mécaniques simples, des sources renouvelables, et une optimisation des usages.
- La réparabilité et la transmission des savoirs : Toute technologie embarquée sur Nomade des Mers peut être répliquée à faible coût par des communautés locales ou des makers passionnés.
Là où la plupart des technologies de transport visent la performance et la vitesse, Corentin mise sur la résilience et l’adaptabilité. Et c’est peut-être là que se joue l’avenir.
Du bateau au van : des ponts entre mer et route
Alors, me direz-vous, quel est le lien entre les expérimentations d’un marin low-tech et l’univers de la mobilité terrestre, que ce soit en van aménagé, en voiture, ou à deux-roues ? C’est justement là que ça devient intéressant.
En adaptant certaines technologies testées en mer, on découvre qu’elles peuvent enrichir la mobilité sur terre :
- Systèmes d’eau en circuit fermé : Très prisés des voyageurs en van, les systèmes de douche recyclante ou de purification low-tech permettent une autonomie accrue sans sacrifier le confort.
- Toilettes sèches compactes : Idéales pour les camping-cars, elles évitent la corvée de vidange de cassette et favorisent une gestion plus écologique des déchets.
- Micro-potagers auto-fertiles : Pour les longs voyages, ces structures inspirées de l’aquaponie permettent d’avoir des aromates, voire quelques légumes frais, à portée de main.
- Panneaux solaires orientables manuellement : Moins onéreux et plus faciles d’entretien, ils rivalisent parfois avec la high-tech sur le ratio efficacité/coût.
En somme, Corentin de Chatelperron n’a pas inventé une technologie miracle, mais un état d’esprit qui gagne à être transplanté sur la terre ferme, notamment chez les amoureux du nomadisme terrestre.
Un exemple pour la jeune génération et les makers
En documentant chacune de ses découvertes sur la plateforme Low-tech Lab, Corentin propose un modèle collaboratif. Chaque fiche technique peut être répliquée, améliorée, détournée selon les besoins. Cette approche open-source bouscule la logique propriétaire qu’on retrouve dans de nombreux secteurs, y compris l’auto et la moto.
Imaginez un jour des constructeurs moto s’inspirant de son approche pour produire des modèles simples, réparables chez soi, conçus pour durer 30 ans. Utopique ? Peut-être. Mais après tout, qui aurait parié sur un bateau en fibre de jute traversant les océans ?
Et pour les jeunes passionnés de mécanique, ou les étudiants en école d’ingénieur, son parcours est une véritable boussole. Il prouve que l’on peut être bricoleur, ingénieur, navigateur et militant à la fois, sans renoncer à l’aventure ni à l’éthique.
Vers une mobilité plus sage et plus libre
En suivant les traces de Corentin, on comprend vite que la mobilité durable n’est pas qu’une affaire de technologie de pointe. C’est aussi une question de philosophie : comment se déplacer en limitant son impact, en valorisant le local, et surtout, en se réappropriant la capacité à réparer, à comprendre et à créer ?
Sur Le Chroniqueur, on parle souvent de voitures hybrides, de motos électriques ou d’aménagements de vans économes. L’approche de Corentin de Chatelperron les complète brillamment. Elle suggère une voie parallèle, radicalement différente, mais terriblement pertinente.
Alors, avant de penser à changer de véhicule pour le dernier modèle plus propre, peut-être vaut-il le coup de s’interroger : ai-je besoin de plus, ou de mieux ? Et si la véritable innovation résidait dans la simplicité et la coopération plutôt que dans la course à la sophistication ?
Une chose est sûre : avec des esprits comme celui de Corentin à la barre, la mobilité durable ne manque pas de vent dans les voiles.