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Ainsi est apparue Brasilia avec Oscar Niemeyer

21/12/2012
La disparition en ce début décembre 2012 du célèbre architecte brésilien Oscar Ribeiro de Almeida de Niemeyer Soares, plus connu sous le raccourci d’Oscar Niemeyer, et ce à l’âge respectable de 105 ans, nous donne l’occasion d’évoquer son œuvre majeure parmi quelque 600 réalisations au cours de ses soixante-dix années de carrière, à savoir la ville de Brasilia, capitale administrative du Brésil qui fut inaugurée le 21 avril 1960, et qui symbolisait alors pour ses concepteurs « une nouvelle civilisation ». Ce rêve d’une capitale totalement créée sur un « vaste rien » datait peut-être de cette première rencontre en 1940 entre Niemeyer et celui qui deviendrait le Président du Brésil, Juscelino Kubitschek.
Oscar Niemeyer, communiste convaincu, aura laissé sa trace sur toute la planète, on lui doit, entre autres, en France, le siège du PCF place du Colonel Fabien à Paris, la Maison de la Culture au Havre et la Bourse du Travail à Bobigny. Il fut également l’un des architectes qui travailla à l’élaboration du siège des Nations Unies à New York.
Alors retour en arrière, au milieu du 20ème siècle, pour découvrir Brasilia, cette capitale surgit du néant.

 

« Une nouvelle civilisation… »
« Cet acte constitue un pas en avant, le plus viril, le plus énergique que la nation ait fait depuis son indépendance politique, pour l’affirmation décisive d’un peuple qui a pris sur ses épaules une des tâches les plus extraordinaires que l’histoire contemporaine a vu être confiée à une collectivité : celle de peupler et de civiliser les terres qu’elles a conquises, vastes comme un continent ; celle d’intégrer dans la communauté des peuples, pour le bien commun de l’humanité, un des plus riches territoires du monde. » Le 21 avril 1960, le Président Juscelino Kubitschek inaugurait la nouvelle capitale du Brésil, concrétisant par là même entre le 15e et le 16e parallèle, le rêve prophétique du moine Bosco « d’une nouvelle civilisation à l’aube du 3e millénaire au bord d’un lac. »

 

 

Ville nouvelle et capitale
D’Agadé fondée par Sargon l’Ancien vers 2340 avant J.C., à Islamabad au Pakistan en 1967, il y eut quelques exemples de villes nouvelles aussitôt élevées au grade de capitale, Versailles en 1671, Saint-Pétersbourg en 1712, Washington en 1790, ou encore Cambera en 1908.
Avec Brasilia, c’est la ville qui surgit du néant, capitale créée ex nihilo à l’emplacement d’une forêt tropicale qui n’en demandait pas tant. Une ville dont l’idée germait depuis le 19e siècle, une capitale qui ouvrirait la conquête de l’intérieur. Ville nouvelle et capitale, Brasilia est surtout à l’image de notre représentation du futur il y a cinquante ans.
En France, nous vivions l’émergence d’autres villes nouvelles qui ne seraient jamais des capitales, que l’on appellera ensuite villes dortoirs, mais qui furent, en leur temps, synonymes de confort pour le plus grand nombre à partir des années 60.
De l’autre côté de l’Atlantique, dans un pays qui n’était pas encore entré dans l’ère du modernisme, l’idée était un peu la même. On évoquait alors l’image d’un Brésil tourné vers le futur, la concrétisation d’une utopie où chaque citoyen occuperait un espace identique à celui de l’autre. Il y avait du le Corbusier entre les couches : le plan pilote fut inspiré par la Charte d’Athènes ou le regroupement des activités d’une ville en quatre types fondamentaux : production, administration, logements, loisirs… avec un 5e élément, les transports.
Si l’esprit pouvait évoquer un idéal socialiste et égalitaire (cela faisait partie des questions cruciales au Brésil à l’époque de la Guerre Froide !), la concrétisation se fit dans une acception capitaliste moderne : les familles choisissaient les matériaux, les finitions et la taille du logement. Le fond et la forme avaient davantage pris au système américain de maisons à l’identique sur des rues à l’identique, comme à Levittown à Long Island près de New York (projet réalisé en 1947), qu’aux quartiers sans âme des villes nouvelles qui poussaient à cette époque en URSS et dans ses pays satellites. Bien sûr, il s’agissait quand même d’habitations collectives en barres (suites continues de « superquadras ») où on se devait de cohabiter sans barrières sociales.

En mille jours !

En avril 1955, en pleine campagne électorale, Kubitschek annonce « le transfert de la capitale ». Elu le 8 novembre de la même année, il promet « 50 ans de progrès au Brésil en 5 ans de gouvernement ». Hormis le fait que Brasilia, construite à 1.100 mètres d’altitude et quelque 1.300 km de Rio, sera un gouffre financier pour le pays, parole sera tenue.
Deux hommes sont aux commandes du projet (voir encadré), l’urbaniste Lucio Costa et l’architecte Oscar Niemeyer, un homme proche de l’idéologie communiste. En février 1957 débute la construction du palais de l’Alvodara (palais présidentiel), et environ mille jours plus tard, la dernière des capitales sera livrée aux Brésiliens.
On a parlé de chef d’œuvre, mais aussi de monstre moderne et froid, on a tous en mémoire les tribulations de Jean-Paul Belmondo à travers les chantiers de la ville dans « L’homme de Rio » en 1964, et les différents films de science-fiction tournés sur place. Quant au plan pilote, il recevra la suprême récompense avec son inscription au Patrimoine Mondial de l’Unesco en 1987.
A Brasilia, rien ne devait être comme ailleurs, à l’instar de l’Eixo Monumental qui traverse la ville d’Est en Ouest, plus large avenue du monde avec ses deux fois six voies séparées de 250 mètres, de la tour de télévision haute de 218 mètres, du théâtre national inspiré des pyramides aztèques, ou encore de ce plan pilote comparable au fuselage d’un avion avec son axe élancé qui devait interdire à la ville toute banlieue… mais les cités satellites pousseront vite, certaines dépassent les 200.000, voire les 300.000 habitants aujourd’hui.

Une capitale de 50 ans
Le premier recensement de mars 1957 indiquait une population de 2.013 habitants, celui de juillet 6.283. Aujourd’hui, l’agglomération de Brasilia a dépassé les 2,4 millions d’habitants. Mais tout ne fut pas simple pour réussir. Il fallut convaincre les cohortes de fonctionnaires de quitter Rio pour Brasilia au milieu de nulle part. L’exode des Cariacos se fit dans la douleur. Idem pour les ambassades qui refusèrent de s’installer dans la nouvelle capitale du Centre Ouest ; il faudra des menaces de ruptures de relations diplomatiques. Mais au bout du compte, les trois pouvoirs, législatif, exécutif et judiciaire finirent par prendre possession des lieux. Le reste devait suivre : l’essor économique de l’intérieur du pays ne pouvait réussir sans le développement d’axes routiers nouveaux, Brasilia contribuera à cette réussite, tout comme elle participera à décongestionner Rio de Janeiro.
En 1930, Jules Romains publiait une pièce avec une ville imaginaire au centre du Brésil. En 1960, le Président Kubitschek inaugurait sa nouvelle capitale, creuset de l’audace architecturale moderne, capitale d’un pays grand comme seize fois la France. Les Candangos qui avaient construit la ville, et les Pioneiros qui devaient l’habiter allaient se croiser, mais ils ne vivraient pas ensemble, c’est peut-être le grand raté de Brasilia…

Trois hommes dans la ville

JUSCELINO KUBITSCHEK DE OLIVEIRA
Né en 1902 et décédé en 1976, médecin de profession, il fut Président de la République du Brésil du 31 janvier 1956 au 31 janvier 1961. Il succédait au Président Vargas, et précédait un pouvoir militaire qui s’installera à partir de 1964.
On lui doit le projet de cette nouvelle capitale Brasilia.

LUCIO COSTA
Né en 1902 et décédé en 2008, il a reçu son diplôme d’architecte de l’école des Beaux Arts de Rio en 1924. On lui doit plusieurs bâtiments dans cette ville, il a travaillé, entre autres, avec Le Corbusier et Niemeyer. Il deviendra célèbre grâce au plan pilote de Brasilia dont il fut le principal urbaniste. En 1954, il avait déjà réalisé la Maison du Brésil à Paris (avec le Corbusier).

OSCAR NIEMEYER
Contemporain de Costa, il est né en 1907. Il entre à l’école des Beaux Arts de Rio en 1930. En 1952, il participe avec le Corbusier à la réalisation du siège de l’ONU à New York. Brasilia lui apportera la notoriété mondiale. Proche des idées communistes, il quitte le pays pour la France après l’arrivée des militaires au pouvoir, il y réalisera, entre autres, le siège du parti Communiste Français place du Colonel Fabien à Paris, et celui de L’Humanité à Saint-Denis. En 2003, il a conçu le nouvel auditorium de Sao Paulo, il se remarie en 2006 à l’âge de 99 ans et rencontre Hugo Chavez en 2007.

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