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Crise économique ou crise de civilisation ?

23/07/2010
La crise économique, financière, puis sociale qui a débuté en 1929 pour nous mener dix ans plus tard aux portes de la seconde Guerre Mondiale, a fini par accoucher d’une incroyable ère de prospérité, notamment pour le monde dit occidental, les pays victimes du joug communiste ayant été écartés de la distribution massive de progrès, les pays pauvres avant la guerre restèrent quasiment aussi pauvres par la suite, avant bien sûr que nombre d’entre eux n’accèdent au statut de pays émergents. En résumé, l’Europe occidentale, l’Amérique du Nord et une partie du continent asiatique se sont considérablement enrichis durant toute la deuxième moitié du 20e siècle.

Un millénaire inédit
Avec le 21e siècle et le 3e millénaire, c’est un monde nouveau qui est apparu, un monde qui a su pleinement profiter de nos doutes et de notre « fatigue chronique ».
Nos doutes face à cette explosion démographique qui nous fait peur, et qui, a fortiori, alimente cette crise de civilisation qui risque de nous entraîner beaucoup plus vite qu’on ne l’imagine vers des abîmes dangereux.
Quand il a fallu un siècle entre 1800 et 1900 pour gagner un milliard d’êtres humains sur la planète, trente années ont suffi pour le milliard suivant, puis quinze pour un autre milliard, puis neuf, et désormais en cinq ans le milliard suivant est déjà là ! Le seul continent africain passera de 900 millions d’habitants à deux milliards d’ici à 2030. La vieille Europe a de quoi douter, et cette peur est encore plus vivace en France, pays d’immigration qui, cinquante ans après en avoir terminé avec sa présence coloniale, se voit confrontée à un phénomène qu’aucun démographe, sociologue ou politique n’avait prévu : on ne parle même plus le français dans de nombreux quartiers de certaines villes du pays. Comme l’écrivit le journaliste Ivan Rioufol, il est peut-être temps de « dresser le bilan des bouleversements sociaux, culturels, ethniques qui accompagnent une immigration de peuplement. » En clair, il ne sert à rien de nier des réalités au prétexte de dénoncer des outrances.
Mais au sens plus large, c’est l’humanité qui est aujourd’hui confrontée à une promiscuité qu’elle juge de plus en plus intolérable. Chacun comprend que la planète ne pourra suffire à nourrir et faire prospérer dix milliards d’êtres humains dont les deux tiers connaissent ou vont connaître des croissances à deux chiffres. Ah, bien sûr, les humanistes professionnels nous rappellent que ce n’est que justice, les adultes de la deuxième moitié du 20e siècle ont prospéré en Europe et en Amérique du Nord grâce à un monde infini, de l’énergie à bon marché et de la croissance.
Certes, mais au plus, cela ne représentait même pas un milliard d’hommes et de femmes, et cette prospérité n’est pas venue en dix ans grâce à une main d’œuvre innombrable et presque gratuite, mais après un siècle d’efforts, de sacrifices et de recherches.

Des barbares aux commandes ?
Voilà pour le doute. Quant à la « grosse fatigue », elle n’est pas à notre honneur. Nous n’avons rien vu venir et apparemment nous ne voulons toujours pas comprendre que rien ne sera plus jamais comme avant. On aura beau pleurer sur nos acquis de nantis, on aura beau changer de gouvernement et passer de droite à gauche et de gauche à droite au gré de nos colères, on aura beau chercher des solutions indolores, rien n’y fera. Comme l’évidence est le critérium de la vérité, la démographie est désormais le bras armé de l’économie. Ce n’est pas en pleurant sur les habitudes passées que nous bâtirons nos vies futures.
Ainsi, le débat actuel sur les retraites ne devrait même pas avoir lieu, c’est naturellement, avec bon sens et un large consensus que nous devrions passer à la réforme. Et il en va de même des économies, publiques et privées. Car taper dans les dépenses ne concerne pas les seuls services publics. C’est chaque citoyen qui doit se demander ce qu’il peut faire pour son pays, si bien sûr cela signifie encore quelque chose dans cette société où le chacun pour soi est devenu esprit maison. Chasse aux gaspillages, chasse aux profiteurs, chasse aux fraudeurs. Souvenez-vous donc comment nous avions trouvé fabuleux le « Yes we can » d’Obama. Oui, nous pouvons, nous pouvons réussir, changer les choses si nous le voulons. Cette volonté collective est terriblement efficace lorsque tout le monde tire ou pousse dans le même sens.
Les liens culturels (et cultuels) sont en train de rompre chez nous, tout comme les relations entre dirigeants et dirigés. Et les raisons en sont multiples : l’image a envahi nos vies, nous faisant miroiter un monde idéal où le bonheur serait obligatoire, l’argent facile a corrompu les plus jeunes, le capitalisme financier a pris le pouvoir sur l’économie capitaliste, les bibliothèques sont vides, et désormais un ignare scientifique peut déglinguer un homme de science comme Claude Allègre au seul prétexte qu’il fait dans le vedettariat télé, et asséner les vérités qui arrangent ses taux d’écoute et son compte en banque. Je n’irai pas jusqu’à dire que des « barbares » ont pris le pouvoir, mais parfois c’est limite. Au mieux, ce sont des ONG et des collectifs machin-bidule.

On demande une nouvelle Renaissance

Le français comme langue officielle par le décret de Villers-Cotterêts en 1539 sous François 1er, changements dans la représentation du monde, échanges commerciaux entre l’Italie et les ports du Nord, découverte de l’Amérique, invention de l’imprimerie en 1450, naissance de l’archéologie qui permit de découvrir l’art antique, expansion de la musique, de la littérature et de la peinture… les 15e et 16e siècles marquèrent la naissance d’une nouvelle identité européenne, brisant par là même un Moyen-Âge qui n’avait plus sa place. Cette Europe serait également celle des Lumières, des grandes découvertes scientifiques et de l’industrie.
Aujourd’hui, comment trouvera-t-elle les ressources pour rebondir au 21e siècle et sauver sa vision de la société ? Le pourra-t-elle, d’abord en acceptant de lourds sacrifices, ensuite en revenant à un esprit plus conquérant, et enfin ceux qui ne partagent pas cette vision la laisseront-elle faire ? Pas si sûr. Retour à la démographie qui risque de tout balayer sur son passage tel un cuirassier lourdement armé face au pauvre Radeau de la Méduse…

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