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Quand le nucléaire s’invite à la campagne, ou les moulins à vent de Don Quichotte

30/01/2012
Le tsunami japonais aura eu des effets collatéraux imprévus ici en Europe, une onde de choc issue de la centrale de Fukushima comparable à un nouveau Tchernobyl qui a fait vaciller l’Europe occidentale sur l’un de ses fondements liés à son indépendance énergétique qui a certes coûté cher, mais qui nous a également sauvé la vie depuis les années 70. Car soyons honnêtes, que serions-nous aujourd’hui sans l’énergie nucléaire ?

 

Thème majeur d’une campagne

Après la décision de l’Allemagne de sortir du nucléaire d’ici à 2022, il ne fait désormais plus aucun doute que la prochaine campagne présidentielle française sera largement consacrée à ce débat récurrent, pour ou contre le nucléaire.

Bien sûr, les écologistes et les opposants au nucléaire tiennent la corde actuellement, ils surfent sur la catastrophe japonaise, c’est quand même la seule vague fiable depuis Tchernobyl, ils ne la lâcheront plus. Et leurs alliés socialistes ont reçu cinq sur cinq le message, ne viennent-ils pas de mettre la sortie « progressive » du nucléaire à leur programme ? Et comme d’habitude, chacun réagit à chaud, pour faire de l’annonce et aller dans le sens du vent. Jouer sur les peurs (de plus en plus développées chez nous et pour n’importe quoi) est devenu fédérateur, après le tabac, l’alcool, l’auto, le téléphone portable, voici le nucléaire qui va nous donner le cancer de la tête.

Les verts et le PS s’emparent du dossier, forcément l’UMP ne pourra zapper, on croirait que la droite est méchante parce que pro-nuclaire. 

Les pétochards ont donné le « la », la fanfare suit et le chœur des pleureuses joue à guichet fermé. Il y a fort à parier que d’ici à la fin de l’année, pour faire propre, pour faire allemand, pour faire éco-citoyen-machin, le gouvernement annoncera une sortie « progressive » de la France. Pour commencer, on ne remplacera pas les vieilles centrales, d’ailleurs on n’a pas les sous ! Rappelons que 34 de nos 58 réacteurs datent des années 70. Les derniers Giscardiens !

 

Le siècle des lumières… éteintes !

La grande question sera donc : quelle alternative ? Les trois quarts de notre électricité proviennent du nucléaire, comment remplacer cette forme de production sans coupure sur le réseau ? Les plus optimistes avancent l’idée de vastes champs d’éoliennes, un optimisme qui ne tient pas face à la réalité. Voyons quelques chiffres… Prenons une centrale nucléaire de quatre tranches d’une puissance de 1200 MW chacune, ce qui nous fait théoriquement une centrale de 4800 MW, mais le rendement n’étant que de 75% en moyenne, on retiendra 3600 MW de puissance.

En face, on choisira un champ terrestre d’éoliennes d’une puissance de 2 MW chacune, mais avec un rendement moyen de 20%, soit à l’arrivée 0,40 MW. Il faudrait donc environ 9.000 éoliennes pour remplacer une centrale de quatre réacteurs. Avec un alignement d’environ trois à quatre éoliennes par kilomètre, ce champ nécessitera plus de 2.000 km d’éoliennes alignées, et pour remplacer une seule centrale. Et si toute l’Europe s’y met, c’est à se demander si ces centaines de milliers d’éoliennes ne finiraient pas par ralentir ou accélérer la rotation terrestre (humour !) ?

Alors ajoutons des panneaux solaires… Encore un exemple concret : dans la région d’Aix-en-Provence, un parc photovoltaïque de 18.840 panneaux solaires est en activité sur plus de 10 hectares, il fournit 4,2 MWc (mégawatts crêtes, donc à la puissance maximum dans une région où le soleil n’est pas avare), soit les besoins d’environ 700 foyers. Pour remplacer un seul réacteur nucléaire de 1500 MW par le solaire, il faudrait donc plus de mille parcs de 10 hectares, le tout multiplié par 58 réacteurs.

Et n’oublions pas que ces deux solutions alternatives ont besoin d’un minimum d’effort de la planète, il faut du vent pour l’une et du soleil pour l’autre. Souvenons-nous de l’été de la canicule en 2003, il y eut certes du soleil, mais pas de vent du tout !

 

Recours aux combustibles fossiles

C’est la solution disent certains, oubliant très vite qu’il ne s’agit plus de sources d’énergie renouvelables. C’est le choix de l’Allemagne qui produit déjà plus de la moitié de son électricité à partir de centrales à charbon. Il en faut en moyenne cinq à six pour remplacer un réacteur nucléaire, centrales à charbon, gaz ou pétrole.

Au fait, a-t-on suffisamment de gaz ou de pétrole à « brûler » pour en faire de l’électricité ?

Alors, ce sera le charbon la solution miracle ? Pas si sûr, nous ne sortons plus de charbon de notre sol, il faudra donc l’acheter et redevenir dépendants du bon vouloir de producteurs étrangers, ce qui n’est pas sans déplaire à tous ceux qui combattent depuis des décennies la politique d’indépendance de la France en ce domaine. L’heure de la revanche pour ces « alternatifs » haineux de l’Occident.

Au passage, rappelons que la Chine, qui ouvre une centrale à charbon chaque semaine, a multiplié par trois ses importations de charbon en 2010 alors qu’elle est déjà le troisième producteur mondial (après les Etats-Unis et la Russie), on imagine que d’ici à dix ans, il n’y aura plus un seul boulet à vendre sur la planète, et ce même si les réserves sont actuellement d’environ 150 ans. Ils auront les moyens de payer, pas nous ! A l’instar de l’acier et bientôt du pétrole, la Chine raflera tout le charbon disponible, et on aura l’air malins nous autres Européens unis dans la pénurie et condamnés à faire un bond de deux siècles en arrière…

 

« Il va falloir apprendre à se passer d’électricité »

Voilà, c’est dit, c’est du moins ce que certains responsables écolos tentent de nous mettre en tête, et c’est bien ainsi que tout finira. Et c’est ce qu’il faudra expliquer clairement à tout le monde, sans le nucléaire ce sera lumière et chauffage un jour sur deux, ou extinction des feux à 22 heures et villes noires, voire un quota attribué à chaque foyer, et après… le noir ou la surfacturation. Toutes les solutions alternatives ne seront jamais que de l’appoint, quant aux centrales à charbon c’est le retour assuré de la pollution au nom de l’écologie. Quel bond en avant, et surtout quelle hypocrisie. Ces centrales thermiques sont responsables à elles seules de 38% des émissions totales de gaz carbonique. Le seul arrêt pour trois mois des sept centrales nucléaires les plus vieilles en Allemagne a engendré plus de 13% d’émissions de CO2 supplémentaires.

« Cette production de gaz carbonique inévitable est négligeable » entend-on aujourd’hui. Sortir du nucléaire pollue, mais c’est « négligeable ». Bien sûr, des études sont menées pour stocker le carbone et éviter ainsi les rejets de CO2, mais rien n’est avéré aujourd’hui.

 

 

Contradictions

Polluer plus pour sortir du nucléaire n’est pas la seule contradiction. En 2007, les associations d’environnement dénonçaient la construction de deux centrales thermiques sur le site du Port du Havre. Récemment, Greenpeace s’opposait aux centrales à charbon italiennes, « le charbon, c’est la matière première du changement climatique » disent certains écologistes. Rappelons qu’une centrale à charbon pollue deux fois plus qu’une centrale au gaz.

La décision de l’Allemagne est, une fois de plus, unilatérale et intervient sans aucune concertation avec les partenaires européens, comme pour le concombre et la dette grecque. Mais l’impact sera européen ! Le KWH a augmenté de 10% en Allemagne depuis la fermeture momentanée des anciennes centrales nucléaires, et on sait que les bourses allemande, française, belge et néerlandaise sont couplées, cette décision allemande aura donc très vite un impact ailleurs. De plus, très hypocritement, l’Allemagne importe de l’électricité – nucléaire -, elle est l’un des tout premiers clients d’EDF.

60% des Allemands se disent prêts à payer 10 € de plus chaque mois pour une énergie verte… Mais c’est au moins 100 € de plus qu’ils devront sortir, ou alors apprendre à se passer d’électricité. Notons que nos voisins allemands paient déjà le KWH 2,3 fois plus cher que nous.

 

Parler vrai

Voilà ce qui nous attend. Il paraît que 62% des Français sondés sont pour la sortie « progressive » du nucléaire, ils n’étaient que 40% il y a trois mois. Avec de telles girouettes on devrait pouvoir produire quelques centaines de mégawatts… On soulignera que le terme « sortie progressive » rassure les plus anciens, après eux le déluge, c’est un peu le genre « encore une minute monsieur le bourreau ! »

On l’a compris, les politiques vont s’engouffrer dans cette brèche à l’occasion des présidentielles. Bien, mais il faudra dire toute la vérité, la vraie, pas sur un air de pipeau. C’est un choix de société, un type de vie, c’est comme renoncer à posséder une auto qui peut vous emmener à plus de 500 km dans la journée pour en prendre une nouvelle, électrique, mais qui vous interdira tout week-end au-delà de 50 km, car il faut bien rentrer…

Si nous décidons, par le vote, de sortir du nucléaire, il faudra en accepter toutes les contraintes, et elles seront nombreuses… et contraignantes, la première sera 

d’accepter de payer trois ou quatre fois le prix d’aujourd’hui pour se chauffer et s’éclairer, enfin quand il y en aura pour tout le monde.

Aujourd’hui, sortir du nucléaire est présenté comme une chance pour les générations futures. Méfions-nous que ce ne soit pas juste une chance pour ceux qui vont se faire élire en racontant des craques à des badauds toujours prêts à se faire rouler par le premier bonimenteur de passage. Car une fois « sortis du nucléaire », nous ne pourrons plus revenir en arrière.

 

Jean-Yves Curtaud

07/2011

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