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Quand l’art a fait « Sécession » à Wien

21/12/2012
Avec le XXe siècle naissait un nouveau courant artistique, comme s’il y avait urgence à devenir moderne en tournant définitivement le dos à « l’ancien temps » représenté par un XIXe siècle qui venait de mourir.

En France, on a appelé ce mouvement le « Modern Style » ou « Art Nouveau », en Allemagne le « Jugendstill », mais la version la plus féconde s’est développée en Autriche avec l’association Sécession fondée par 19 artistes (officiellement en 1897) et au sein de laquelle on trouvait, entre autres et parmi les plus célèbres, le peintre Gustav Klimt, et différents architectes comme Otto Wagner, Josef Hoffmann, Adolf Loos, et bien sûr Josef Maria Olbrich qui réalisa le désormais célébrissime Palais de la Sécession visité par des passionnés d’architecture et d’Art Nouveau en provenance de tous les continents. On ne passera pas sous silence la présence d’autres peintres de génie, Egon Schiele et Oscar Kokoschka, ainsi que le talentueux designer Koloman Moser.

Le but (ou l’espoir) de ces hommes, outre la rupture avec les tendances de l’époque, était la réunion de tous les arts, peinture, dessin, sculpture, architecture et mobilier.

Si l’une des personnalités les plus attachantes de ce groupe fut Gustav Klimt, considéré alors que le peintre de la femme, l’autre figure marquante du mouvement fut incontestablement l’architecte Otto Wagner, né en 1841, décédé en 1918 (en même temps que l’Empire austro-hongrois – voir encadré), et dont la seconde partie de l’œuvre illustrait si bien ses contradictions.

 

 

 

« Quelque chose qui n’est pas pratique ne peut être beau »

Détaché des idées toutes faites sans pour autant renier systématiquement le passé, Otto Wagner débuta sa carrière en construisant des bâtiments selon les goûts du moment dans un style appelé « Historicisme » (maison massive avec un haut rez-de-chaussée). On retrouve ce romantisme éclectique le long du Ring viennois et en centre ville à Lobkowitz platz, Spielgelgasse et au Graben

En 1892, Otto Wagner remporte un concours pour un nouveau plan de développement urbain de Vienne. A la cinquantaine, il va débuter une nouvelle carrière… « Quelque chose qui n’est pas pratique ne peut être beau » déclare-t-il alors. Ce côté « pratique et beau », Otto Wagner l’avait en fait expérimenté avec sa première villa, une énorme maison ornée de colonnes avec des pergolas et de nombreux vitraux. 

A cette époque, l’architecte était préoccupé par la fusion entre le passé et les nécessités de la vie moderne, entre l’utilisation de matériaux normaux et les techniques de pointe. Ce concours devait lui donner la possibilité de mener à bien ses projets en inventant une nouvelle conception de la ville. Malheureusement, ses détracteurs n’auront de cesse de le discréditer auprès de l’Empereur, et quelques idées « géantes » demeureront à l’état de maquettes, comme par exemple l’aménagement de la Karlplatz (où seuls les deux pavillons du métro ont été bâtis), ou encore cette immense avenue qui devait rejoindre le château de Schönbrunn très loin au sud de la ville..
Néanmoins, on trouve la signature d’Otto Wagner en de nombreux lieux viennois, ce qui permet d’affirmer que personne depuis n’a eu la possibilité de concevoir autant de travaux dans une même capitale, des immeubles, des villas, des stations de métro, des ponts, une église, la poste centrale, sans oublier l’aménagement des quais du canal du Danube et du chemin de fer urbain.

 

 

Le Temple du mouvement…

Avec sa coupole dorée ornée de feuilles de laurier, le « Secessiongebäude », fut l’œuvre de Josef Maria Olbrich. Sur le frontispice est inscrite la devise du Mouvement : « à chaque époque son art, à l'art sa liberté ». Et c’est en cet honneur que ce pavillon présente régulièrement des artistes avant-gardistes.

Quant au visiteur qui franchit sa porte, il peut admirer la merveilleuse frise de Gustav Klimt de 1902 intitulée « Beethovenfris ».

 

 

et les incontournables d’Otto Wagner

C’est le moment de vous présenter plus en détail quelques exemples typiques de son œuvre issus de la période Sécession.

Outre les deux stations de Karlplatz, celle du métro à Schönbrunn, station exclusivement réservée à l’Empereur (qui ne l’utilisa jamais !) et la Maison de l’Ecluse (datant de 1906), voici la seconde villa Wagner (Hüttelberg strasse), construite en 1912, cubique, très sobre, fonctionnelle, faite de béton, de marbre, verre, aluminium et mosaïques : « C’est la vraie villa Wagner ! » nous dira son propriétaire… mais elle ne se visite pas.

Puis, nous irons vers la « Caisse d’épargne postale » édifiée en 1904, peut-être le bâtiment le plus célèbre de l’architecte. Sa conception ultra-moderne (on l’appelait alors le coffre-fort) propose des façades en plaques de granit et de marbre fixées par des boulons métalliques à tête d’aluminium (17.000 en tout !) pour une meilleure protection contre l’usure du temps. Ca a fonctionné ! A l’intérieur, le sol est en marbre et briques de verre, la salle des guichets est couverte d’une toiture en verre, elle-même protégée d’un second toit de verre disposant de son propre chauffage pour mieux faire fondre la neige et la glace en hiver. A noter également la présence de petites colonnes qui servaient de pulseurs d’air chaud. Cette Poste est toujours en activité.

Enfin, trois constructions pour terminer cette balade viennoise à la Wagner, deux maisons de la Linke Wienzeile, seuls témoins de ce vaste projet de création d’une grande artère entre Schönbrunn et le centre ville, la « Maison aux Médaillons » avec sa façade décorée de médaillons et feuilles de palmier dorées, et la « Maison aux Majoliques », plus sobre et caractérisée par des motifs floraux sur faïence… et enfin, la splendide église « Am Steinhof ». Pour cet édifice, Otto Wagner a puisé dans tous les styles : marbre plaqué sur des murs de briques, vitraux et mosaïques d’autel de Moser, sol en pente pour faciliter le nettoyage, lustre byzantin à baldaquin et dôme géant.

 

 

 

Jugendstil, Sécession et les autres…

Le Jugendstil est la version allemande de l’Art Nouveau, et tient son nom du périodique « Jugend ». Contrairement au mouvement Sécession qui privilégiait une conception rectiligne et géométrique, notamment dans l’ornement, et que l’on retrouve uniquement dans la capitale autrichienne, le Jugendstil est présent dans le monde entier à travers des bâtiments, des meubles, des lampes, des vases, des affiches… Cette balade pourrait nous mener à Bruxelles avec Hoffmann, à Barcelone avec Gaudi, à Munich avec Endell, à Nancy avec Daum et Gallé, à Paris avec Guimard à qui l’on doit les pavillons du métropolitain, ou encore à Helsinki avec Saarinen et Chicago avec Wright.

Quant au mouvement Sécession, il a cessé ses activités en 1938 mais n’a jamais été dissous. Parallèlement à cette œuvre architecturale, l’esprit s’illustra avec le « Wiener Werkstätte », atelier qui fabriquait différents objets d’usage domestique sous la houlette d’Hoffmann.

 

Ils sont morts avec l’empire austro-hongrois

La première guerre mondiale aura eu pour conséquence de voir disparaître cet empire qui réunissait outre des Autrichien et des Hongrois (les capitales étaient alors Wien et Budapest), des Allemands, des Italiens (Tyrol du sud), des Slovaques et Tchèques (qui deviendront la Tchécolslovaquie), des Polonais, des Slovènes, Serbo-Croates et Bosniaques (qui deviendront des Yougoslaves), des Roumains et des Ruthènes (Ukrainiens). Au total plus de 50 millions d’habitants composaient cet empire austro-hongrois, monarchie constitutionnelle qui sera à son apogée de 1867 à 1918.

Le Traité de Versailles réduira l’Autriche comme peau de chagrin, son état actuel. Cette même année 1918 vont également disparaître ces pionniers de l’Art Nouveau réunis au sein du mouvement Sécession, Otto Wagner le grand bâtisseur, Gustav Klimt et Egon Schiele les peintres, et le designer Koloman Moser… comme si plus rien n’avait d’importance à partir de cet éparpillement des peuples de l’empire, comme si cet Art Nouveau ne pourrait trouver sa place dans un « Nouveau Monde », celui qui marquait le vrai début du 20ème siècle. Les bâtisseurs et les peintres fous s’en allaient pour toujours enfouis sous les décombres d’un empire que François-Joseph, l’empereur qui régna soixante-huit années et mourut en 1916, soit deux ans avant la fin de la première guerre mondiale, n’aura pas vu exploser.

 

 

Reportage et photos LE CHRONIQUEUR 

 

Renseignements sur le mouvement Sécession à Vienne

Office National Autrichien du Tourisme

6, avenue Pierre 1er de Serbie

75116 Paris

01 53 83 95 32

www.austriatourism.com

 

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