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Quand Montebourg ne veut pas désespérer Billancourt

29/12/2012
« Tout le monde y gagne parce que nous nous unissons pour être plus forts… c’est tout le contraire d’une délocalisation », c’est ainsi que Arnaud Montebourg, notre ministre du Redressement productif vantait les mérites de l’installation du constructeur Renault à Oran, et ce lors de la visite du Président de la République en Algérie les 19 et 20 décembre derniers.
Moins d'un mois plus tard, Renault annonce un vaste plan de suppressions de postes en France, histoire peut-être de compenser ceux de la non-délocalisation en Algérie...

 

 

 

Tout un « Symbol »

Renault à Oran, c’est une usine destinée à assembler des kits venus de Turquie et de Roumanie pour la carrosserie et des moteurs qui, nous précise-t-on, viendront de France… voire de Pitesti en Roumanie ou de Valladolid en Espagne, les deux nouvelles unités de fabrication de moteurs que le Français installe, une fois encore, loin de sa base nationale.

Voilà, lorsque Renault s’installe en Algérie, « c’est tout le contraire d’une délocalisation » nous explique le ministre qui n’a jamais de mots assez durs pour vilipender les actionnaires de PSA et la famille Peugeot, coupables eux, et sans appel, de détruire l’emploi industriel en France. Et monsieur Montebourg de préciser avec l’assurance de Béatrice menant Dante à travers les Sept Portes de l’Enfer que « les autos ne reviendront pas chez nous ».

A savoir, cette Renault Symbol, qui sera assemblée sur le site d’Oran, sorte de Dacia Logan relookée avec de la récupération de low cost déjà démodée, ne sera commercialisée que sur le continent africain. Bien sûr, comme la Logan ne devait pas venir chez nous, c’est Renault qui nous l’avait dit alors en 2005, ou tout au plus seulement 5.000 unités par an. Concrètement et réellement, on a immatriculé plus de 88.000 Dacia en France en 2011. Comme dit la chanson, « ça s’en va et ça revient ! »

Côté emploi, les pouvoirs publics algériens annoncent 8.000 postes directs alors que chez Renault on parle de 350 emplois directs. Curieuse fourchette, le couscous va passer au travers ! Quant à la production, elle sera de 25.000 unités par an, ce qui est largement très en dessous du seuil de rentabilité d’une usine dont la capacité de production serait de 75.000 véhicules/an. Entre nous, nous sommes quand même loin de la « gigantesque usine » évoquée par nos médias lors de la visite de François Hollande à Alger. Mais est-ce à dire encore que quelqu’un va subventionner cette « usine à gaz », les pouvoirs publics algériens ou les nôtres ?

 

Le salut dans la délocalisation ?

Disons les choses comme elles sont, Arnaud Montebourg prend les Français pour des truffes. Renault à Oran est bien l’évidence d’une nouvelle délocalisation du constructeur français dont l’Etat est encore actionnaire à hauteur de 15%. Une délocalisation de plus. Et dites-vous bien que cette Renault « Symbol » sera un jour prochain au catalogue low cost du constructeur partout en Europe occidentale.

Finalement, le plus étrange, c’est qu’il y a bien deux poids et deux mesures. On accuse PSA d’être quasiment anti-français, on monte l’opinion avec l’aide des médias contre le constructeur, mais on ne touche pas à Renault et à son Pdg Carlos Ghosn, la bienveillance de ces mêmes médias à l’égard de l’ex-fleuron de Billancourt et de la lutte des classes flirte avec une certaine forme de complaisance.

Pourtant, si on avance avec les vrais chiffres en main, le coupable n’est pas forcément celui que l’on montre au peuple : PSA produit encore 85% de ses moteurs et 37% de ses autos sur le territoire français, alors que Renault n’y fait plus que 29% de ses moteurs et 18% de ses autos. Etrange, non ?

D’autres chiffres sont également significatifs. Au cours des neuf premiers mois de l’année 2012, eu égard à la baisse des ventes en France et en Europe, la production du groupe PSA en France a chuté de 10,8% et celle de Renault de 18,2%, alors que la production de ces mêmes constructeurs hors de France chutait de 20,1% pour PSA et de seulement 4,1% pour Renault. Conclusion, Renault perd 8 points de production de plus que PSA ici en France, mais s’en sort mieux à l’étranger, perdant 16 points de moins que PSA. Pas de doute, le salut de Renault, dont l’Etat détient, répétons-le, 15% du capital, est dans la délocalisation.

Le reste n’est que de l’enfumage. Mais peut-être que monsieur Montebourg ne veut pas prendre le risque de désespérer Billancourt et son avenir politique à la gauche de la gauche ?...

 

Jean-Yves Curtaud

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